Difficile de passer de l’optimisme d’une nouvelle décennie à la situation actuelle où tout est devenu incertain. Un moment de grande prospérité a été interrompu par un ennemi invisible. Un virus. Pourtant, c’est loin d’être le premier. On est habitués à entendre parler de catastrophes qui ne se concrétisent jamais ou de choses terribles qui se déroulent très loin de chez nous. On est tristes et on a un peu peur, mais jusqu’à maintenant ça ne changeait pas la vie dans nos contrées favorisées. Les enfants continuaient d’aller à l’école, les adultes se pointaient au bureau, on faisait notre épicerie sans arrière pensée et on pouvait même planifier de partir en vacances.
Pour moi, tout a chaviré le 12 mars quand notre grand patron est venu nous parler de façon officieuse de la COVID-19. Jusqu’à ce moment, j’avais pris les messages de mon employeur à ce sujet à la légère, me disant qu’ils prêchaient par un excès de prudence.
Le lendemain, en voyant les avertissements des autres universités j’ai compris que nous allions fermer. Ça a été une journée en mode « fin du mode » où on s’est préparés à une absence prolongée qu’on ne pouvait pas quantifier. De mon arrivée et jusqu’à mon départ, je ne me suis pas levée de mon bureau ni même pris le temps de manger. J’ai laissé mon téléphone sonner dans le vide pour me concentrer sur les tâches qui nécessitaient ma présence physique. On a quitté bien après notre horaire habituel avec une boule au ventre : on ne savait pas si on rentrait lundi et encore moins quand nous étions pour revoir le campus et nos collègues.
Ce soir là, j’ai eu une discussion avec mon mari qui était parti voir sa famille à Alger jusqu’à la fin du mois de mars : « reviens maintenant ou tu cours le risque ne plus pouvoir le faire ». Samedi matin, j’ai été soulagée d’apprendre qu’il avait trouvé un vol pour le lendemain. J’ai passé une dernière soirée avec ma mère et mon frère sachant qu’au retour de mon mari je devais me mettre en isolement préventif. J’ai appelé ma sœur au Mexique pour lui demander aussi de revenir avant que les frontières ne se ferment.
J’ai fait des courses et le ménage durant le week-end parce que je ne pourrais pas retourner au magasin avant deux semaines. J’ai visité trois supermarchés et j’ai été incapable de trouver des haricots, du sucre et du papier de toilette. C’est la première fois de ma vie que je voyais autant de rayons désespérément vides.
Alors que mon mari était dans les airs, l’Algérie a décidé de suspendre les vols vers la France, pays par lequel il devait faire escale. Il est parti à minuit moins une. Je n’ai même pas osé descendre à l’aéroport pour l’accueillir, je l’ai attendu dans ma voiture et j’ai désinfecté ses valises avant de l’embarquer. Une fois sur la route, on n’était pas certain de savoir si on pouvait s’embrasser ni dans quelle chambre il allait dormir. Ma sœur est revenue le mardi d’après, avant que les frontières avec les États-Unis et le Mexique ne se ferment.
Le 16 mars, j’ai commencé le travail à partir de la maison et depuis je fais religieusement mes 35 heures par semaine. J’ai doublement de la chance parce que je suis payée, mais aussi parce que ça m’occupe et structure mon temps. C’est assez paradoxal, mon employeur n’encourage pas du tout le travail à distance, mais il nous offre des solutions informatiques incroyables : je peux tout faire de chez moi (même répondre à mon téléphone) et surtout le faire de façon sécurisée.
Notre quarantaine se termine ce dimanche avec rien à signaler, sauf un chien heureux d’avoir ses maîtres à la maison. Ça ne changera pas grand-chose à notre vie comme le Québec est en confinement au moins jusqu’au 14 avril 2020. En plus, j’ai encore moins envie de sortir maintenant que nous savons que nous sommes en santé.
Comment ça va par chez vous ?
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