L’Everest et Into Thin Air

Publié le Catégorisé comme Culture, Voyage 6 commentaires sur L’Everest et Into Thin Air

Les environnements extrêmes m’ont toujours fascinée, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’adore les déserts et que je rêve de visiter l’Antarctique. Donc quand je suis tombée sur un billet écrit par Patrick Lagacé qui avait comme titre : L’Everest est aussi un cimetière à ciel ouvert; ma curiosité a été piquée. Totalement captivée par les images morbides du blogue auquel fait référence Lagacé, je me suis mise à lire les commentaires et j’y ai trouvé le titre du livre de Jon Krakauer, Into thin Air (Tragédie à l’Everest).

Krakauer, un journaliste, devait être envoyé par le magazine Outdoors en 1995 afin de témoigner de l’impact environnemental que les expéditions de plus en plus nombreuses avaient sur l’Everest. Pour cet article, il devait rester au camp de base, situé à 5 000 et quelques mètres d’altitude. Alpiniste amateur, il caressait depuis longtemps le rêve de gravir l’Everest et a réussi à convaincre son éditeur de retarder le départ d’un an et de lui donner la chance de rejoindre une équipe guidée qui tenterait une ascension au sommet.

everest base camp - ebc
ilker ende (cc)

Au printemps 1996, il a donc rejoint une expédition commerciale menée par Rob Hall. Les expéditions commerciales sont nées durant les années 1990 grâce à Hall et ont ouvert la montagne à tous ceux qui voulaient s’y frotter. La particularité de ces expéditions est que seuls les guides et les sherpas népalais sont de vrais alpinistes tandis que les clients possèdent divers niveaux d’expérience. Leur mode d’ascension sera très différent, car ils n’ont aucune charge à porter et toutes les décisions importantes sont reléguées aux guides professionnels. D’ailleurs lors des expéditions commerciales, les clients s’attachent individuellement à une corde principale afin de suivre la piste qu’ils doivent emprunter alors que les alpinistes s’attachent habituellement entre eux afin de garantir mutuellement leur sécurité.

Nepal - Sagamartha Trek - 057 - chorten silhouetted by Lhotse & Everest
McKay Savage (cc)

Krakauer n’écrira jamais son article sur l’environnement de l’Everest, car les évènements du 10 mai 1996 changeront tout. Partis du camp de base IV (8 848 m) vers minuit, trois expéditions comprenant 34 grimpeurs s’attaquent à l’ascension du sommet. L’équipe nationale de Taïwan menée par Ming Ho « Makalu » Gau n’était pas censée tenter d’ascension ce jour-là, mais il a décidé — contre l’avis des deux guides des autres expéditions (Rob Hall de Adventure Consultants et Scott Fischer de Mountain Madness) — de tenter aussi d’atteindre le sommet.

Comme il n’y avait aucune équipe qui ait atteint le sommet durant l’année 1996, les cordes pour faciliter l’escalade de certains passages n’étaient pas encore installées. Le temps que deux guides installent les cordes pour que les trois équipes puissent continuer leur ascension a retardé considérablement tout le monde dans la zone de la mort. Cette zone est appelée ainsi, car le corps humain est incapable de s’acclimater à de telles altitudes et ainsi les fonctions vitales sont grandement diminuées par un manque d’oxygène criant. Une exposition prolongée à de telles altitudes est débilitante et peut s’avérer fatale.

Everest
Joe Hastings (cc)

Ce jour-là, le premier à atteindre le sommet fut Anatoli Boukreev, un guide de Mountain Madness, vers 13 heures. C’est une heure relativement tardive surtout lorsqu’on sait qu’il y a 33 personnes derrière lui et qu’il faut retourner au camp avant la tombée du jour qui annonce le retour du jet-stream, un courant d’air très puissant. La majorité des membres des différentes expéditions ont rejoint le sommet bien après 15 heures alors qu’ils auraient dû amorcer leur descente à 14 heures afin d’être de retour au camp avant la nuit.

Vers 15 heures, une violente tempête se lève autour du camp IV réduisant la visibilité et diminuant encore plus la quantité d’oxygène dans l’air. Ce jour-là, cinq personnes, dont trois guides, ne reviendront jamais au camp et deux y retourneront dans un état pitoyable. En tout 1996, reste l’année la plus meurtrière sur l’Everest avec 15 morts. Krakauer très ébranlé par le drame a décidé d’écrire sur la tragédie.

Leaving Camp 1, Mt Everest
Moving Mountains Trust (cc)

Son livre, Into Thin Air : A Personal Account of the Mt. Everest Disaster retrace l’expédition depuis ses débuts. Le livre est intéressant, car Krakauer étant journaliste il maîtrise une langue simple, mais éloquente. Il prend aussi le temps d’expliquer certaines choses difficiles à comprendre pour les non-initiés ainsi le livre se suffit à lui-même et je n’ai pas eu besoin d’utiliser d’autres références.

Le seul bémol est que Krakauer mélange le style journalistique à celui du journal intime : il se place en quelque sorte au milieu du récit et nous narre l’histoire selon son point de vue. Pourtant, tout comme un journaliste, il nous fait partager des interviews des personnes présentes et essaie d’offrir, à quelques occasions, un point de vue contradictoire au sien. Ceci étant dit, le titre souligne bien que c’est ses mémoires personnelles et non un récit journalistique qu’il narrerait de façon complètement détachée. Personnellement, j’ai beaucoup aimé ce livre de 332 pages que j’ai lu en deux fois, ne le reposant que lorsque mon sommeil se faisait trop envahissant. Il permet d’entreprendre un voyage vers les sommets enneigés sans jamais quitter son lit et à la lecture des effets débilitants de la haute altitude, j’étais bien contente d’être dans mon lit.

Kathmandu , Nepal , Himalayas ,Everest
ilker ende (cc)

À la fin, Krakauer discute un peu de la commercialisation des expéditions et comment cela a mis une emphase supplémentaire sur l’importance d’atteindre le sommet versus les obligations morales envers les autres êtres humains présents sur la montagne. David Sharp en a fait la triste expérience en 2006 alors qu’il était en détresse manifeste à 450 m du sommet, un groupe commercial mené par Russell Brice passe à proximité de lui durant leur ascension sans lui porter assistance. Lors de la descente du groupe, 9 heures plus tard, trop fatigués par leur ascension, le groupe décide de ne toujours pas lui porter secours et l’a laissé mourir. On suppose que plus de 40 personnes l’ont vu dans sa détresse sans lui porter secours. Il fait maintenant partie du cimetière à ciel ouvert de la zone de la mort de l’Everest.

Fatalité inévitable dans un milieu aussi inhospitalier? Lincoln Hall qui s’est trouvé soudainement atteint d’une maladie due à l’altitude en descendant du sommet s’est vu dans l’impossibilité de continuer son chemin. Abandonné par les sherpas qui l’accompagnaient, il est resté bloqué à 8 600 mètres d’altitude. Des sherpas secouristes avaient été envoyés, mais ils avaient été incapables de le retrouver. Il fut considéré comme étant décédé. Le lendemain, Dan Mazur et son équipe de SummitClimb le retrouvent par hasard, son état augurait une mort très proche. Alors, qu’ils s’arrêtent pour l’aider et attendent des secours supplémentaires, un groupe d’Italiens en route pour le sommet passe à côté en accélérant le pas et en déclarant « No speak English » bien que c’était faux. Alors que Hall était dans les mains des sherpas et rapatrié vers le camp IV, Mazur a abandonné son ascension. Bien qu’il ait passé des années à ramasser les fonds nécessaires et à s’entraîner pour son ascension, il ne regrette pas d’avoir abandonné pour secourir la vie d’un homme.

Moon At Everest
Matthew Winterburn (cc)

Alors si vous aviez payé 65 000 dollars pour atteindre le sommet de l’Everest, et en route vous rencontreriez un inconnu entre la vie et la mort, vous vous arrêteriez ou non?

Pour en savoir plus

L’article complet de Jon Krakauer tel que publié en 1996 dans le magazine Outdoors (anglais)
Le témoignage vidéo d’un médecin qui a soigné les survivants du 10 mai 1996 au camp III (anglais et sous-titres en français)
Mini-site retraçant les évènements de 1996 sur le site de PBS (anglais)
Choses à prendre en compte avant de rejoindre une expédition commerciale sur l’Everest (anglais)

Sur Amazon

Pour faire un tour sur l’Everest sans quitter Paris

Restaurant Sagar Matha (le nom de l’Everest en népalais)
Spécialités népalaises et cuisine indienne et Tibétaine/Service sympathique et déco bouddhiste dépaysante
Menus à partir de 18 €
2 rue François Mouthon 75015 Paris, Métro Convention (12)

Par Cynthia

Montréalaise en escale à Paris.

6 commentaires

  1. Assez effarant ces histoires !
    Si tu es BD, il y a l’extraordinaire manga de Taniguchi, Le sommet des dieux, racontant des expéditions sur l’Everest. Tellement intense que j’en tremblais de froid dans mon lit !

  2. Cet montagne ressemble plus a un cimetière maintenant.
    Les gens sont vraiment nase, moi je m’arreterai pour porter secours, tant pis pour l’argent une vie humaine ça na pas de prix.
    Ce livre a l’air bien, je le note dans un coin tu ma donner envie de le lire.

  3. Non je ne lis pas en anglais, je suis nulle archi nulle en anglais
    j’aimerai bien réussir a comprendre cette langue, mais à l’école j’étais pas doué, et les profs étaient nases du coup c’était pas motivant pour apprendre.

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